Tous les diabétiques de type 1 ne feront pas une insuffisance rénale terminale, même en vivant longtemps

18/04/2018 Par Pr Philippe Chanson
Néphrologie
Au cours des 30 dernières années, de nombreuses innovations, soutenues par de grands essais cliniques, ont abouti à une amélioration du contrôle de la glycémie et de la pression artérielle, ce qui a finalement conduit à une réduction du risque cardiovasculaire et à une diminution du risque de progression vers la néphropathie lors du diabète de type 1 (DT1).

Les études épidémiologiques indiquent que 25 à 30% des DT1 vont progresser vers une insuffisance rénale terminale (IRT). Toutefois, tous les DT1 ne développent donc pas une néphropathie progressant vers la dialyse ou la transplantation. Il y a à cela plusieurs explications. Une première explication est que les patients meurent avant d’une complication cardiovasculaire. Le bon contrôle de la glycémie et de la pression artérielle ralentit également de manière nette la progression de la néphropathie, avec des effets documentés dans les essais dès le 30e mois de contrôle de la pression artérielle et dès la 5e à 7e année de contrôle de la glycémie. A l’inverse, il est bien documenté que la présence d’une néphropathie diabétique augmente le risque d'événements cardiovasculaires et de décès chez les diabétiques, indépendamment de l'hypertension. Trois études rapportant le suivi à très long terme (40 à 50 ans) de DT1 et la survenue d’une IRT sont publiées dans le même numéro de mars 2018 de Diabetes Care. La première (1), menée en Norvège, intéresse une cohorte d’enfants dont le diagnostic de DT1 a été fait avant l’âge de 15 ans. Parmi les 7 871 patients, représentant 147 714 sujets-années de suivi, l'IRT s'est développée chez 103 personnes (1,3%). Le délai moyen entre le diagnostic du diabète et le développement de l'IRT était de 25,9 ans (intervalle de 12,7 à 39,1). L'incidence cumulative d'IRT était de 0,7% (IC 95% : 0,4-1,0) à 20 ans de diabète, de 2,9% (2,3-3,7) à 30 ans et de 5,3% (4,3-6,5) à 40 ans. Le risque de développer une IRT était plus faible chez les femmes que chez les hommes (hazard ratio [HR] = 0,61; 0,41-0,91) et supérieur chez les sujets chez lesquels le diabète avait été diagnostiqué entre 10 et 14 ans en comparaison de ceux chez qui il avait été diagnostiqué avant l'âge de 10 ans (HR : 1,29; 1,06-1,56). Les auteurs n’ont pas identifié de différence significative dans le risque de développer une IRT entre ceux chez qui le diabète a été diagnostiqué au cours de la période 1973-1982 et ceux chez qui le diabète a été diagnostiqué au cours de la période 1989-2012 (HR = 0,80; 0,45-1,45). La seconde étude (2), menée aux Etats-Unis à Pittsburgh sur une cohorte de DT1 diagnostiqué dans l’enfance entre 1950 et 1980 (n = 932), a examiné le risque cumulatif de complications rénales sur 50 ans. Dans cette population, au bout de 50 ans de DT1, 60% des sujets ont une IRT, 72% ont une macroalbuminurie et 88% ont une microalbuminurie. Après 30 ans de diabète, l'IRT touche 14,5% et après 40 ans de diabète, elle touche 26,5% du groupe de patients pour lesquels le DT1 a été diagnostiqué entre 1965 et 1980 (cohorte récente). Pour ceux chez qui le diabète a été diagnostiqué entre 1950 et 1964 (cohorte plus ancienne), les taux de développement de l'IRT étaient nettement plus élevés : 34,6% après 30 ans, 48,5% après 40 ans et 61,3% après 50 ans de diabète. S’il n’y a pas de baisse de l'incidence cumulative de la microalbuminurie ou de la macroalbuminurie dans les cohortes récentes, il y a quand même bien une diminution de 45% de l'incidence de IRT après 40 ans de diabète. Le début avant l'âge de 6 ans était associé au risque le plus faible ; l'incidence ne variait généralement pas en fonction du sexe. La troisième étude (3) est finlandaise. La cohorte est constituée de tous les Finlandais de moins de 30 ans chez qui un diagnostic de diabète de type 1 a été porté entre 1965 et 2011. Les patients ont été suivis pendant une durée médiane de 20 ans. Au cours de 616 403 années-patients, 1 543 cas d'IRT et 4 185 décès ont été enregistrés. Le risque cumulé d'IRT était de 2,2% après 20 ans et de 7,0% après 30 ans de diabète. Le risque relatif d'IRT était de 0,13 (IC 95% = 0,08-0,22) chez les patients diagnostiqués entre 1995 et 2011, comparativement à ceux diagnostiqués entre 1965 et1979. Les patients de moins de 5 ans au moment du diagnostic avaient le plus faible risque d'IRT après le diagnostic ; les patients âgés de 5-9 ans au diagnostic de diabète étaient les plus à risque. Comme le souligne un éditorial associé (4), dans l'ensemble, ces études sont très encourageantes. Depuis les années 1980, le risque d'IRT a été considérablement réduit, tandis que le risque de progression de l'IRC persiste mais à un rythme plus lent. Ce taux réduit d'IRT et le ralentissement de la progression de l'IRC sont en grande partie dus à des améliorations du contrôle de la glycémie et de la tension artérielle et probablement aussi à l'instauration de bloqueurs du RAAS dans les formes plus avancées d’IRC. Ces données laissent présager de meilleurs résultats futurs si le traitement est suivi.

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