Traitement des varices : un arsenal thérapeutique de plus en plus étoffé

30/01/2017 Par Corinne Tutin

La Société française de phlébologie a organisé du 8 au 10 décembre dernier ses 75es Journées annuelles, qui ont réuni 600 participants. Ce congrès a abordé la place des différentes techniques de traitement des varices, qu’il s’agisse de sclérothérapie à la mousse, de radiofréquence, ou du laser endoveineux qui pourrait être prochainement mieux remboursé. 

"Depuis plus de 10 ans, la sclérothérapie à la mousse a fait la preuve de sa supériorité sur la sclérothérapie liquide", explique le Dr Luc Moraglia, secrétaire général de la Société française de phlébologie (SFP) et médecin vasculaire à Bordeaux. "Ceci est lié au fait que le temps de contact avec le produit sclérosant est augmenté au niveau de l’endothélium veineux. Les seules exceptions, où la sclérothérapie à la mousse n’est pas recommandée concernent les télangiectasies (dilatations de moins de 1 mm) et les varices réticulaires (1 à 3 mm), dans laquelle on ne sait pas encore si elle fait mieux que la sclérothérapie liquide. Afin de trancher cette question, la SFP devrait mettre en place au printemps 2017 une étude où seront comparés dans des télangiectasies et des varices réticulaires, les effets de sclérothérapies à la mousse et liquide avec les 2 produits sclérosants actuellement utilisés en France, le polidocanol et le tétradecyl-sulfate de sodium".     Les bonnes performances de la sclérothérapie à la mousse Dans le traitement de la petite et, surtout, de la grande saphène (qui fait en général référence pour les travaux cliniques), la sclérothérapie à la mousse donne des taux de recanalisation et de reflux récurrents un peu plus élevés que les 2 traitements par ablation thermique aujourd’hui utilisés, radiofréquence et laser endoveineux, et qui tendent à détrôner la chirurgie. "A 5 ans, les résultats anatomiques et échographiques sont bons dans 60 à 70 % des cas avec la sclérothérapie à la mousse et la chirurgie, et dans 90 à 95 % des cas avec les traitements thermiques", précise le Dr Moraglia. Cependant, les études cliniques ne décèlent pas de différence significative à 5 ans, pour des veines saphènes de 4 à 6 mm, en termes de qualité de vie et de survenue de récidives variqueuses avec les 4 méthodes. La tendance est donc de privilégier la sclérothérapie à la mousse, moins onéreuse, dans l’occlusion des saphènes de moins de 6 mm. "Les traitements thermiques sont, en revanche, préférés pour l’occlusion des veines saphènes de diamètre supérieur à 6 mm, car on a tout de même l’impression que pour ces calibres veineux,  les reperméations se font plus vite et de manière plus importante avec la sclérothérapie. Cependant, à la différence d’autres pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou les États-Unis, il n’existe pas encore de recommandation en France pour conseiller en première intention l’ablation thermique de la grande saphène", indique le Dr Moraglia.   Trop de stripping chirurgical Une autre indication, où la sclérothérapie à la mousse sous  contrôle échographique est très performante concerne les récidives de varices, alors qu’il est difficile de faire passer une sonde dans ces veines déjà opérées. "Ces récidives variqueuses sont malheureusement fréquentes après stripping chirurgical du fait de la stimulation de la néo-angiogénèse induite par ce traitement. Or, en France, la chirurgie des saphènes demeure trop pratiquée, alors que ses indications devraient être désormais très restreintes avec la mise à disposition des traitements thermiques. Les chirurgiens vasculaires ont compris le problème et, de plus en plus, pratiquent les techniques d’ablation thermique", souligne le Dr Moraglia. Jusqu’ici, seule l’ablation thermique par radiofréquence était remboursée en intégralité (forfait de soins et honoraires du praticien), les honoraires du médecin vasculaire n’étant pas pris en compte pour le laser endoveineux. A la suite d’un rapport d’évaluation* de la Haute autorité de santé (HAS), rendu public le 21 décembre 2016, cette technique vient d’être reconnue par la HAS pour l’occlusion de la grande saphène et aussi, à la différence de la radiofréquence, de la petite saphène. "Ce qui laisse espérer son remboursement complet prochainement dans ces 2 indications", prévoit le Dr Moraglia. La SFP a lancé récemment une étude comparant, dans 2 groupes de 75 patients, sclérothérapie à la mousse et laser endoveineux pour l’occlusion de la petite saphène. Les premiers résultats intermédiaires sont attendus pour 2018. Mais, l’étude est programmée pour durer 5 ans.   En pratique "Efficaces, radiofréquence et laser endoveineux donnent peu ou prou les mêmes résultats et, lorsqu’on en a l’habitude, exigent le même niveau de dextérité technique pour introduire et déplacer les sondes dans les veines saphènes", considère le Dr Moraglia. Ces méthodes nécessitent 30 à 60 minutes de temps et se pratiquent en ambulatoire, sous anesthésie locale, les patients pouvant immédiatement reprendre leurs activités, puisqu’aucune sédation n’est réalisée. Malgré tout, ces techniques exigent, pour éviter de léser en les chauffant trop les tissus environnant les veines saphènes, d’effectuer une tumescence, une sorte de manchon isolant. Ainsi, le médecin vasculaire injecte, tous les 3-4 cm, sous contrôle échographique et sous pression tout au long du trajet des saphènes, 300 à 350 ml au total de sérum comportant 1% de xylocaïne pour atténuer la douleur. "L’injection sous pression peut être  désagréable. Mais, la douleur est, en général supportable, ce d’autant qu’on conseille habituellement au patient d’avoir appliqué une heure avant le geste de la crème anesthésiante Emla le long du trajet veineux, qui a été repéré et marqué au préalable", indique le Dr Moraglia. "En France, il est aussi demandé par la HAS, en raison de la nécessité de réaliser une tumescence, d’effectuer l’ablation thermique en secteur opératoire, soit pas forcément au bloc mais au sein d’une structure disposant d’un anesthésiste, et ce bien que l’ablation thermique n’exige pas d’anesthésie générale et ait été pratiquée en cabinet à ses débuts". Pour s’affranchir de la tumescence, des techniques sont développées depuis quelques années, qui recourent à l’utilisation de colle à base de cyanoacrylate, ou au MécanOChemical Ablation (Moca), une méthode qui combine l’introduction à l’intérieur de la veine saphène d’un appareil d’ablation mécanique de l’intima par une fibre rotative incurvée et l’injection d’un produit sclérosant liquide, et ou au Laser Assisted Foam Sclerotherapy (Lafos),qui associe laser endoveineux Holmium basse température et mousse sclérosante (cf encadré). Indolores, ces méthodes n’ont pas besoin de tumescence, car elles ne risquent pas de détruire les tissus entourant les veines saphènes. Mais, leur utilisation reste confidentielle, car elles sont non remboursées, alors que le matériel peut être onéreux. "La technique, qui semble la plus avancée et est probablement la plus prometteuse est celle à base de colle", estime le Dr Moraglia. "L’inconvénient est que même si cette colle est déjà utilisée en chirurgie, on ignore quels effets peuvent résulter à 15-20 ans d’une introduction de fortes quantités de cyanoacrylate dans une veine". *Haute autorité de santé. Rapport d’évaluation technologique. Occlusion de veine saphène par laser par voie veineuse transcutanée, actualisation de l’évaluation conduite en 2008. 21 décembre 2016.  

Colle, Moca, Lafos : les études se multiplient  « La colle à base de cyanoacrylate est utilisée depuis longtemps pour le traitement des varicocèles, des fistules artério-veineuses. Au contact des substances anioniques, sang, plasma, elle polymérise et devient adhésive. De plus, son action sur l’intima détermine une réaction inflammatoire puis une transformation fibreuse de la veine traitée », explique le Dr Sébastien Gracia, médecin vasculaire à Puilboreau la Rochelle. Une première étude réalisée chez 38 patients avec une incontinence de la grande saphène (diamètre moyen de 8 mm) a mis en évidence un taux d’occlusion de 92 % à 24 mois, après traitement par la colle (1).  Dans une étude menée chez 222 patients, avec également une incontinence de la grande saphène, la colle a démontré une efficacité non inférieure à la radiofréquence à court terme avec, à 3 mois, un taux d’occlusion de respectivement 99 % et 96 % pour les 2 traitements (2). Le nombre d’effets secondaires était équivalent dans les deux groupes, à l’exception des ecchymoses, un peu moins fréquentes avec la colle.  Des études sont en cours en Europe pour valider ces résultats. Moca : peu d’effets indésirables Utilisée pour la première fois chez l’homme en 2009, le Moca a permis d’obtenir un taux d’occlusion de 96,7 % de la grande saphène à 2 ans (3). « Mais, l’effectif des patients de cette première série était limité : 29 patients », rappelle le Dr Gracia. D’autres études ayant porté sur des nombres de patients plus importants ont décrit des résultats favorables mais jamais au-delà de 6 mois, par exemple taux d’occlusion à 3 mois de 92 % pour la grande saphène (et de 84 % pour la petite saphène) dans l’étude récemment publiée de C.L. Deijen et coll., ayant inclus 449 patients (506 veines traitées) (4). Le Moca donne peu d’effets indésirables et peu de complications majeures, même si 2 embolies pulmonaires ont été rapportées dans l’étude de C.L. Deijen et coll. « Une étude randomisée prospective, Maradona, encore en phase de recrutement va comparer durant 5 ans Moca et radiofréquence chez 230 patients dans chaque groupe. Les résultats sont attendus pour 2020 », mentionne le Dr Gracia. « Cette technique, qui est coûteuse (plus de 500 euros), semble exiger une courbe d’apprentissage plus longue que d’autres méthodes comme l’ablation thermique, car il faut entreprendre plusieurs gestes en même temps ».  Il a été proposé de remplacer le produit sclérosant liquide par de la mousse sclérosante, mais le Moca est alors moins efficace : taux d’occlusion de 56,5 % à 6 semaines dans l’étude de Y.L. Lam et coll. (5). Les données demeurent très préliminaires pour le Lafos, « puisqu’une seule étude sur un petit effectif a été entreprise et que l’on ne dispose pas encore de résultats publiés à plus d’un mois », ajoute le Dr Gracia. Au total, ce médecin vasculaire juge que ces méthodes sans tumescence, notamment celles qui ont le plus de recul, peuvent être envisagées par les praticiens n’ayant pas accès à un secteur opératoire et ayant l’habitude de pratiquer les techniques d’ablation thermique. Mais, il ne faudra pas les employer dans les indications non validées : saphènes communiquant avec des perforantes, veines tortueuses, veines sus-fasciales…

  D’après la communication de S. Gracia (Puilboreau la Rochelle). 1) Almeida JI, et al. Phlebology. 2015;30(6):397-404. 2) Morrison N, et al. J Vasc Surg. 2015;61(4):985-94. 3) Elias S, Raines JK. Phlebology. 2012;27(2):67-72. 4) Deijen CL, et al. Phlebology. 2016;31(3):192-7. 5) Lam YL, et L. Phlebology. 2016;31(3):170-6.

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