Automédication : les industriels s’inquiètent d’une dérive vers un "paquet neutre"

01/06/2018 Par Marielle Ammouche
Médicaments
L’Afipa (Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable) réagit suite à la publication en février dernier par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d’une recommandation visant à standardiser les conditionnements de certains médicaments.

L’Agence a, en effet, proposé des recommandations pour harmoniser l’"étiquetage des conditionnements des médicaments sous forme orale solide (hors homéopathie)". L’ensemble des informations, leur typo, leur taille devant figurer sur chaque face du packaging, ont été précisées. L’objectif était de contribuer à la prévention des erreurs médicamenteuses, en lien avec l’étiquetage du conditionnement. Pour l‘ANSM, en effet, le conditionnement des médicaments "joue un rôle essentiel dans l’information des utilisateurs et des patients". Or, des erreurs médicamenteuses en lien avec le conditionnement des médicaments sont régulièrement signalées, dues, entre autres, à la multiplication des informations présentes sur les boite qui "altèrent et diluent parfois les informations essentielles", considère l’ANSM. Mais, pour l’Afipa, ces mesures risquent d’avoir l’effet opposé à celui souhaité. Elle pense que les changements et l’homogénéité créée entre les médicaments sont "source de confusion pour les patients". Concrètement, le nom de marque sera moins visible au profit de la dénomination commune ; et les informations seront plus nombreuses. La DCI devra figurer dans une police de taille supérieure à celle des autres mentions, y compris à la taille utilisée pour le nom commercial ou du laboratoire. Et le texte recommande également l’occultation de certains signes distinctifs tels que le logo de la marque. L’Afipa dénonce cette évolution vers un "paquet neutre", avec une forte ressemblance entre les packs et une moindre lisibilité du traitement.   Elle a fait la simulation ci-dessous :   Elle critique, en outre, l’augmentation de taille de certains conditionnements rendue nécessaire par l’ajout de mentions, et par l’imposition d’une taille minimale pour certains éléments. "Cette modification ne sera donc pas neutre pour l’environnement (plus de carton, plus de transport avec des packs plus volumineux…) et aura également un impact sur l’organisation des officines (robots pharmaceutiques…)", prévient-elle. L'ANSM a rappelé qu’il ne s’agissait que de "recommandations", et que les industriels avaient le droit de ne pas les suivre. Cependant, pour l’Afipa, elles s'imposent de fait : un laboratoire refusant d'en tenir compte prenait le risque de se voir refuser sa demande de mise sur le marché d'un nouveau médicament. Elle affirme que ces recommandations ne reposent sur aucune "donnée objective, en particulier concernant les médicaments d’automédication". En effet, "l’ANSM a fait part d’un chiffre de 30% d’erreurs médicamenteuses présentées en lien avec les conditionnements, sans indiquer la part de ces erreurs commises en ville ou à l’hôpital ou même sans connaître les circonstances et le cadre de survenue de ces signalements", affirme l’association.   Moins faciles à lire, à comprendre et à trouver Elle alerte sur le fait que "les accidents susceptibles d’être causés par cette nouvelle recommandation seront de la responsabilité exclusive des autorités qui l’ont endossée". Et pour étayer ses dires, elle évoque une étude d’impact menée à son initiative en avril 2018 par l’institut Opinionway, sur un échantillon représentatif de la population de plus de 1000 personnes. Les résultats de cette enquête montrent qu’environ un quart de la population identifierait moins bien l’indication des médicaments avec des packs conformes à la recommandation de l’ANSM, plutôt qu’avec les conditionnements actuels. Les nouveaux packagings ont été jugés moins faciles à lire (34% vs 52%), moins facile à comprendre (32% vs 50%), moins faciles à trouver en officine (22% vs 41%) ou dans l’armoire à pharmacie familiale (24% vs 45%), et mettant moins clairement en avant l’indication (36% vs 54%). Enfin, jusqu’à 96% des personnes interrogées ignoraient le nom de la substance active ou à quoi elle sert précisément. En ce qui concerne les pharmaciens, une étude similaire a été réalisée sur 200 d’entre eux. Et il semble qu’ils ne tireraient pas non plus de bénéfice de ces préconisations, "compte tenu de la bonne identification des packs actuels à 98%. Au contraire ils se montrent inquiets pour la sécurité des patients", affirme l’Afipa. L’association se prononce donc clairement contre un "affaiblissement de la marque", qui "favorise ainsi la mémorisation et l’identification par le patient du médicament dont il a l’habitude et constitue un facteur de sécurisation de l’automédication, la dénomination des actifs se révélant souvent complexe". Elle demande le retrait de cette recommandation "aux conséquences potentielles dramatiques", afin de "pouvoir retravailler ce projet en réelle coopération et de façon constructive avec les autorités". Un recours en annulation a été déposé au Conseil d’Etat fin avril par l’Association.

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