Violences gynécologiques : l’Académie remet les pendules à l’heure

24/09/2018 Par Marielle Ammouche
Gynécologie-Obstétrique
Les temps sont durs pour les gynécologues, qui voient leurs pratiques largement critiquées dans les médias depuis quelques années, et récemment par les pouvoirs publics, dans le rapport du Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes intitulé "Actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical", remis à la secrétaire d'Etat Marlène Schiappa, le 29 juin dernier. Ces événements ont tendance à occulter les énormes progrès réalisés dans la prise en charge des naissances tant sur le plan de la morbimortalité que sur celui des bonnes pratiques, en particulier en obstétrique.

Ces réflexions ont conduit l’Académie nationale de médicine, "soucieuse de rétablir la vérité sur les conditions de naissance en France", et "avec un souci d’objectivité, d’apaisement et d’amélioration des prises en charges périnatales" à réaliser un rapport sur le sujet intitulé "De la bientraitance en obstétrique – la réalité du fonctionnement des maternités", qui vient d’être adopté le 18 septembre par 76 voix pour, 4 voix contre et 7 abstentions. Les auteurs, René Charles Rudigoz, Jacques Milliez, Yves Ville, et Gilles Crepin, y soulignent "la rigueur, le dévouement, le professionnalisme de la très grande majorité des acteurs de santé impliqués dans la naissance", ainsi que "le bénéfice indiscutable des procédures modernes de prise en charge". Ils reconnaissent cependant d’importantes disparités existant entre les maternités et la nécessité de renforcer l’écoute des femmes. Ils  proposent donc des pistes d’amélioration.   Des progrès majeurs et des femmes globalement satisfaites Tout d’abord, les académiciens mettent en avant  les progrès réalisés pour améliorer la sécurité et le confort de la naissance, tant pour la mère que pour l’enfant, avec notamment l’accès à l’analgésie, faisant qu’actuellement, 88% des femmes se disent satisfaites par la prise en charge de la douleur au cours et au décours de l’accouchement. Pour les auteurs du rapport "les très bons résultats en matière de sécurité de la naissance n’autorisent pas une mise en cause globale, outrancière et injuste des professionnels de la naissance. Ceux-ci peuvent, au contraire, être légitimement fiers des résultats obtenus".   Des disparités importantes entre les maternités Force est de constater, cependant, que la multiplication des réglementations depuis 20 ans par diverses sociétés savantes et organismes officiels, n’a pas réussi à uniformiser les pratiques. Concernant les césariennes, en particulier, les taux varient de 14,5 à 28,9%, même si l’écart à tendance à se resserrer ces derniers temps. Les différences sont pires en matière de déclenchement artificiel du travail (de 9,4 à 25,5%), avec un manque important d’information ressenti par la femme et/ou l’entourage. Les résultats semblent encourageants concernant l’utilisation de l’oxytocine, qui est passée de 57,6% en 2010 à 44,3% en 2016. La fréquence a aussi légèrement diminué pour les extractions instrumentales (12,2% en 2016) et l’épisiotomie (27 à 20% entre 2010 et 2016). Les académiciens reconnaissent par ailleurs que "si la sécurité fait l’objet de toutes les attentions des professionnels et s’est grandement améliorée au fil des années, l’humanité de la relation entre les soignants et les femmes peut parfois faire défaut, provoquant l’insatisfaction justifiée de certains usagers". Les critiques portent sur un manque d’information, le non respect de l’autonomie de la femme, le manque d’écoute, des paroles, postures, et actes inappropriés, le non-respect de la pudeur et de l’intimité, l’impossibilité d’avoir recours à des pratiques pourtant recommandées comme le peau à peau, et un manque d’accompagnement dans les unités de suite de naissance. Les conséquences psychologiques peuvent être "majeures", reconnaissent les auteurs du rapport.   Renforcer l’information des patientes et la formation des soignants Dans ce contexte, et "sans remettre en question les acquis fondamentaux en matière de sécurité", les académiciens font des propositions pour "restaurer la confiance entre soignants et usagers". Dans ce cadre, ils recommandent en particulier d’améliorer la formation initiale et continue des soignants à l’information et au respect de l’autonomie des femmes enceintes, de respecter la réalisation de l’entretien prénatal précoce au 4eme mois , et de promouvoir l’élaboration d’un projet de naissance. Il s’agit aussi de les inciter à mettre leurs pratiques en conformité avec les différentes recommandations pour la pratique clinique (RPC). Le fonctionnement des maternités peut aussi être optimisé en établissant et en respectant les normes des effectifs des personnels en salle de naissance, et en évaluant les résultats des maternités. En outre, la prise en charge de la douleur en obstétrique doit être renforcée par un engagement et un suivi spécifiques figurant dans la charte de l’établissement. Enfin, les académiciens insistent enfin sur le danger de créer des maisons de naissance isolées, sans lien géographique et fonctionnel avec un établissement classique.

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