Une gestion inadaptée des pathologies chroniques

20/11/2017 Par Dr Philippe Massol
Gériatrie

Jamais dans l’histoire de l’humanité, le pourcentage et le nombre absolu de personnes âgées de plus de 60 ans n’ont été aussi élevés. Une augmentation aussi rapide et importante de la tranche la plus âgée de la population soulève d’innombrables défis. Intervenant au 9e colloque du groupe Pasteur Mutualité, le Pr Olivier Guérin, vice-président de la Société française de gériatrie et de gérontologie, a porté un regard critique sur la médecine des seniors.

  Le 9e colloque de Groupe Pasteur Mutualité avait pour thème "Vieillir sans devenir 'vieux'". Il s’est tenu le 9 novembre à la Maison de la Chimie à Paris, sous la présidence du Pr Jean-Pierre Michel (Université de Genève et Académie nationale française de médecine). Coordonné par le Pr Bernard Devulder, il a réuni plus de 400 participants et de nombreux experts, dont de nombreux membres de l’Académie de Médecine, qui ont fait le point sur les progrès de la médecine, de la génétique mais aussi de la connaissance des processus de senescence et des actions de prévention à mettre en œuvre. Olivier Guerin, Professeur de médecine en gériatrie et en thérapeutique, chef du Pôle Gériatrie du CHU de Nice et vice-président de la Société Française de gériatrie et de gérontologie a souligné que l’espérance de vie a gagné 6h tous les jours depuis 60 ans ! "Cela n’est jamais arrivé dans l’histoire de l’Homme".  Et cette espérance de vie est gagnée maintenant dans le grand âge. Or, explique-t-il, "l’organisation de notre système de santé n’est pas du tout adaptée aux besoins des personnes âgées. Le problème numéro 1 de santé publique est lié à la polypathologie chronique de ces sujets et à la préservation de leur autonomie. Quand on a créé la Sécurité sociale, 75% des remboursements des dépenses de santé concernaient les soins aigus, curatifs, et 25% les soins chroniques. Aujourd’hui, c’est exactement l’inverse parce que la population a gagné quasiment 25 ans d’espérance de vie. Notre système sanitaire global, construit sur le curatif et la gestion du curatif, est totalement inadapté à la gestion de la pathologie chronique installée parfois depuis 30 ou 40 ans. On ne sait pas bien faire…" Pour le Pr Olivier Guerin, il existe plusieurs verrous qui empêchent une meilleure gestion de la maladie chronique. "Typiquement, la tarification à l’acte est une aberration dans le cadre de la prise en charge des patients atteints de maladies chroniques. Comment voulez-vous qu’avec une consultation de 8 minutes (c’est la durée moyenne en France), le médecin s’occupe convenablement d’un patient de 85 ans qui a quatre maladies ? Ce n’est pas possible." De plus, "on a complètement laissé de côté la prévention primaire et même secondaire. On est très mauvais dans ce domaine. Par exemple, on sauve très bien quelqu’un d’un infarctus du myocarde, mais par la suite, la prise en charge de l’insuffisance cardiaque est beaucoup moins performante." Pour le Pr Guérin, "il faudrait une refonte complète de l’organisation des soins, et c’est plutôt difficile d’y parvenir car il faut lutter contre les corporatismes et les habitudes. Les autorités sanitaires ont compris qu’une évolution est absolument nécessaire : des surprimes s’ajoutent ici ou là pour contourner les T2A, pour ceux qui acceptent des actions de coordination par exemple, mais les professionnels résistent fortement ." Le vieillissement est un enjeu qu’on aurait déjà dû traiter il y a 20 ans !...  Selon le Pr Guérin, "les objets connectés sont un puissant moyen de réformer nos organisations. Ce sont des outils qui nous obligent, nous les professionnels de la santé, à travailler autrement, dans l’intérêt des malades. On peut déjà tout faire, avec toutes sortes de capteurs."  Le Pr Fabrice Denis (centre de cancérologie Jean-Bernard, Le Mans), a présenté au colloque un exemple de ces objets connectés, une application, Moovcare, qu’il a développée avec son service et qui améliore sensiblement la survie de patients venant de recevoir un traitement contre le cancer du poumon, en accélérant leur prise en charge en cas de reprise de la maladie grâce à une meilleure communication entre malade et médecin. L’appli repose sur la saisie de douze paramètres cliniques à effectuer par le patient une fois par semaine. Ces paramètres sont analysés par un algorithme et transmis si nécessaire à l’équipe médicale. Dans une étude présentée à l’Asco, cette application améliore la survie de 26% à 1 an, soit quatre fois plus que l’immunothérapie !  "Grâce à cette application très simple, la récidive est détectée plus tôt, entre deux visites de contrôles", a souligné le Pr Denis.

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