Les trouvailles miracles des patients sur le Levothyrox balayées par l'ANSM

14/06/2018 Par Marielle Ammouche
Endocrinologie-Métabolisme

Selon une association de patients, une étude réalisée sur 3 boites de médicaments montrerait un sous-dosage en lévothyroxine et une teneur trop élevée en dextrothyroxine, dans le Levothyrox nouvelle formule. Le laboratoire Merck dénonce des "déclarations infondées scientifiquement" ; et l’Ansm rappelle que la qualité du médicament a été évaluée par plusieurs études fiables.

  Y aurait-il une explication pharmacologique à la crise du Levothyrox ? C’est en tout cas ce que croit savoir une association de patients, l’Association française des malades de la thyroïde (Afmt), qui a décidé qu’elle ne se contenterait pas des études officielles sur le sujet et est donc partie elle-même à la recherche de nouvelles données concernant la nouvelle formule de ce médicament. Elle se basait pour cela sur de précédentes études ayant montré la présence de nano-particules et de métaux lourds dans la nouvelle version du médicament. L’Afmt a donc missionné un laboratoire étranger, qu’elle a qualifié dans son communiqué "de renommée internationale", pour réaliser des études de chromatographie comparative sur des échantillons de Levothyrox ancienne (1 boite) et nouvelle formules (2 boites).  

Une teneur en lévothyroxine "gravement inférieure"

  Selon l’association, les analyses montrent d’importantes différences entre les deux formulations concernant leur concentration en principe actif. Ainsi, "les résultats, et notamment la teneur en lévothyroxine, sont normaux s’agissant de l’ancienne formule", à savoir 102,39 µg/comprimé. Mais à l’inverse, les deux lots de nouvelle formule, présentaient une teneur en lévothyroxine « gravement inférieure aux spécifications en vigueur », soit 88,90 et 72,17 µg/comprimé. Sur la base de ces données, l’association agite le drapeau d’un risque de réactivation de cancers thyroïdiens, liés au sous-dosage : « nous attirons l’attention sur le fait que des patients cancéreux se trouvent sous-dosés en hormones thyroïdiennes, et nous avons observé de ce fait notamment un certain nombre « de réveils de cancers endormis depuis des années ». Par ailleurs, le laboratoire aurait de plus constaté la présence, « très anormale », de dextrothyroxine. Pour l’Afmt, cette molécule, inactive sur le plan hormonal, n’est pas dénuée d’impact, et pourrait expliquer une partie des effets indésirables observées chez les patients et en particulier les troubles psychologiques. "A ce stade notre association ne prétend pas sur une seule étude, disposer d’une "preuve" indiscutable mais d’un fait nouveau important car si ces résultats étaient confirmés, comme on peut le penser, ils pourraient constituer une explication rationnelle à cette crise, d’origine toujours inconnue", affirme l’Afmt. L’ensemble des éléments ont été communiqués à la justice dans le cadre de l’enquête pénale en cours. Et l’Afmt a saisi le gouvernement et l’Ansm pour répondre à la question : Est-il possible de ne pas invoquer le "principe de précaution" si la qualité du Levothyrox pose problème ? "Le Ministère de la santé et l’Ansm doivent sortir de leur inertie, mener en urgence toutes les investigations nécessaires, et prendre leurs responsabilités pour assurer la sécurité sanitaire de nos concitoyens et mettre au jour les responsabilités engagées" insiste l’association de patients.  

Des données scientifiquement infondées selon Merck et l‘Ansm

  "La substance active utilisée pour Levothyrox nouvelle formule est strictement identique à celle présente dans l'ancienne formule", a répliqué le laboratoire Merck, qui commercialise le médicament. Il a dénoncé des "prétendues déclarations non scientifiquement fondées, qui ne font qu'inquiéter les patients et déstabiliser la communauté médicale". "Aucun détail n'est donné quant aux méthodes utilisées et aux conditions dans lesquelles ces études ont été réalisées" et "aucune présentation exhaustive des résultats n'est communiquée", a ajouté Merck. "Nous rappelons que de nombreuses analyses ont déjà été réalisées par des autorités compétentes sans identifier la moindre non-conformité de notre produit", a conclu le groupe. En effet, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) affirme dans un communiqué daté du 14 juin qu’"elle a mené depuis septembre 2017 des analyses pour vérifier la qualité de la nouvelle formule de Levothyrox qui ont confirmé sa conformité". Plus précisément, une première étude réalisée en septembre 2017 a permis de vérifier que la composition (teneur en principe actif, excipients) était bien conforme à celle mentionnée dans le dossier d’autorisation de mise sure marché (AMM). Et concernant les autres substances, une deuxième analyse réalisée en janvier 2018 sur les différentes spécialités à base de lévothyroxine a montré la présence de métaux à l’état de traces dans tous les médicaments analysés dont l’Euthyrox (ancienne formule du Levothyrox). "La présence de traces métalliques dans des produits de santé ne représente pas en soi un défaut qualité ni un risque pour la santé dans la mesure où les concentrations sont inférieures aux seuils de sécurité établis par la communauté scientifique au plan international pour les médicaments" précise l’Ansm. Enfin, une troisième analyse réalisée en février 2018 a confirmé l’absence de butylhydroxytoluène (BHT) dans les comprimés de Levothyrox nouvelle formule et d’Euthyrox. Pour l’Ansm, les résultats d’analyses de l’Afmt "ne sont ni détaillés, ni accompagnés d’informations sur le laboratoire ou la méthode utilisée. Aussi, il n’est pas possible, à ce jour, de se prononcer sur leur validité".

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