Effet tératogène des antithyroïdiens de synthèse : une étude danoise mesure le niveau de risque

05/12/2013 Par Pr Philippe Chanson

On peut être amené à prescrire des antithyroïdiens de synthèse (ATS) chez les femmes pendant la grossesse de manière à éviter les complications d’une hyperthyroïdie. S’il semble bien que les ATS ont des effets tératogènes (heureusement dans un très faible nombre de cas), la question du risque tératogène attaché à tel ou tel ATS  reste ouverte. Afin de répondre à cette question, une vaste étude de cohorte portant sur l’ensemble de la population danoise a été menée. L’étude a porté sur 817 093 enfants nés vivants entre 1996 et 2008. Cinq groupes ont été définis : le premier groupe comptait 564 femmes qui avaient reçu du propyl-thio-uracile (PTU) en début de grossesse, les femmes du deuxième (n=1 097) avaient reçu du méthimazole ou du carbimazole en début de grossesse, dans le troisième (n=159) elles avaient d’abord reçu du méthimazole ou du carbimazole puis étaient passées au PTU en début de grossesse, dans le quatrième (n=3 543) elles avaient eu à un moment de leur histoire une hyperthyroïdie mais les ATS n’avaient jamais été utilisés pendant la grossesse ; enfin, le cinquième groupe (n=811 730) était celui des femmes qui n’avaient jamais eu ni hyperthyroïdie ni été exposées aux ATS au cours de leur vie. La prévalence des malformations à la naissance était un peu plus élevée chez les enfants exposés aux ATS en début de grossesse (8 % sous PTU, 9.1 % sous méthimazole ou carbimazole, 10.1 % sous méthimazole ou carbimazole passés ensuite au propyl-thio-uracile), en comparaison de 5.1 % chez les patientes qui n’avaient pas eu d’ATS pendant la grossesse alors qu’elles en avaient reçu auparavant dans leur vie et 5.7 % chez les femmes qui n’avaient jamais été exposées aux ATS. L’utilisation de carbimazole ou de méthimazole était associée à un odds ratio ajusté de 1.66 (IC 95 % : 1.35-2.04), celle du PTU à un odds ratio de 1.41 (1.03-1.92) et celle de méthimazole/carbimazole puis PTU en début de grossesse à un odds ratio de 1.82 (1.08-3.07). Les malformations observées sous méthimazole/carbimazole et PTU touchaient le système urinaire et les malformations observées sous PTU seul étaient des malformations de la face et du cou. L’atrésie des choanes, l’atrésie de l’œsophage, l’omphalocèle, les anomalies du canal omphalo-mésentérique et l’aplasia cutis étaient fréquents chez les enfants exposés au méthimazole ou au carbimazole (toutes ces anomalies combinées donnaient un odds ratio ajusté de 21.8, IC : 13.4-35.4). En conclusion, selon cette étude danoise, aussi bien l’utilisation de méthimazole ou de carbimazole que l’utilisation de PTU sont associées à des malformations congénitales mais le type de malformation observé semble différent. Il faut sûrement disposer de plus d’études pour corroborer ces résultats, en particulier dans le groupe qui a été passé du carbimazole/méthimazole au PTU. Il serait aussi utile de pouvoir disposer de nouveaux antithyroïdiens de synthèse avec moins d’effets secondaires de ce type ! 

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