15% des femmes enceintes ont une hypothyroïdie infraclinique : pas sûr qu’il faille leur donner des hormones thyroïdiennes

09/02/2017 Par Pr Philippe Chanson

Les études d’observation ont suggéré que l’hypothyroïdie infraclinique au cours de la grossesse était associée à des pronostics de grossesse moins favorables. Il y a cependant peu d’arguments pour penser que le traitement par les hormones thyroïdiennes apporte un bénéfice net chez les femmes enceintes ayant une hypothyroïdie infraclinique. Pourtant, les recommandations actuelles suggèrent que le traitement par levothyroxine est nécessaire chez les femmes enceintes qui ont une hypothyroïdie infraclinique. Rappelons que l’hypothyroïdie infraclinique est définie par une augmentation de la TSH alors que les taux de T3 libre et T4 libre sont normaux. Cette affection est très fréquente puisqu’elle semble toucher environ 15 % des grossesses. Une méta-analyse récente de 18 études de cohorte avait montré que les femmes enceintes avec hypothyroïdie infraclinique non traitée avaient un risque supérieur de fausse-couches, de ruptures placentaires, de ruptures prématurées des membranes et de décès néonatal en comparaison de femmes euthyroïdiennes. Afin d’estimer l’efficacité et la sécurité d’un traitement par les hormones thyroïdiennes chez les femmes enceintes ayant une hypothyroïdie infraclinique, une équipe américaine a réalisé une étude de cohorte rétrospective à partir d’une base de données administratives américaine portant sur plus de 5 000 grossesses suivies entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2014. 5 405 femmes enceintes ayant une hypothyroïdie infraclinique définie comme une TSH entre 2.5 et 10 mU/l non traitée avant la grossesse ont été comparées en fonction d’un éventuel traitement par les hormones thyroïdiennes pendant la grossesse. Chez les 5 405 femmes enceintes ayant une hypothyroïdie infraclinique 843 femmes ayant une TSH moyenne, avant traitement, de 4.8 ± 1.7 mU/l ont été traitées par les hormones thyroïdiennes et 4 562 ayant une TSH moyenne de 3.3 ± 0.9 mU/l n’ont pas été traitées. En comparaison du groupe non traité, les femmes traitées par les hormones thyroïdiennes avaient un risque ajusté inférieur de fausse-couche (odds ratio = 0.62 ; IC 95 % 0.48-0.82) mais avaient un risque supérieur d’accouchement prématuré (OR = 1.6 ; 1.14-2.24), de diabète gestationnel (OR = 1.37 ; 1.05-1.79) et de pré-éclampsie (OR = 1.61 ; 1.10-2.37). Les autres complications de la grossesse étaient similaires entre les deux groupes. Le risque ajusté de fausse-couches était inférieur chez les femmes traitées en comparaison des femmes non traitées si leur concentration de TSH avant traitement était entre 4.1 et 10 mU/l (OR = 0.45 ; 0.30-0.65) mais ne l’était pas si la TSH était entre 2.5 et 4 mU/l (OR = 0.91 ; 0.65-1.23, p < 0.01). En conclusion, cette étude jette un peu un pavé dans la mare en montrant que si le traitement par les hormones thyroïdiennes des femmes ayant une hypothyroïdie infraclinique est bien associé à une diminution du risque de fausse-couche, particulièrement chez celles dont la TSH est entre 4.1 et 10 mU/l, ce traitement est néanmoins associé à d’autres problèmes pendant la grossesse, ce qui nécessite des études complémentaires afin d’évaluer réellement la sécurité du traitement par les hormones thyroïdiennes dans cette population

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