Hypercortisolémie au cours des états critiques : une résultante d’une diminution du métabolisme du cortisol

17/04/2013 Par Pr Philippe Chanson

Les états critiques sont souvent accompagnés d’une hypercortisolémie qui est proportionnelle à la sévérité de la maladie. C’est ce qu’on voit en particulier chez les malades en réanimation. Cette observation est traditionnellement attribuée à l’activation induite par le stress de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et à une augmentation de la production de cortisol sous l’effet de l’ACTH. On sait que cette réponse au stress peut ne pas être suffisante chez les patients ayant une insuffisance surrénale relative et altérer le pronostic. Une équipe belge a déjà rapporté que les concentrations d’ACTH ne s’élevaient que de manière transitoire au cours des maladies critiques alors que les taux de cortisol restaient élevés. Cette dissociation, apparemment paradoxale entre le cortisol et l’ACTH peut aussi être rencontrée dans d’autres réponses au stress. Une autre explication à l’activation de la production du cortisol pourrait être que l’hypercortisolémie en cas d’ACTH bas pourrait être liée à une diminution de la clairance du métabolisme du cortisol. C’est cette voie qu’a explorée l’équipe de Greet Van De Berghe dans un article récent du N Engl J Med. Un total de 158 patients en unité de soins intensifs qui ont été appariés à 64 témoins ont été évalués sur 5 aspects du métabolisme du cortisol : concentrations quotidiennes d’ACTH et de cortisol, mesure de la clairance plasmatique du cortisol, du métabolisme et de la production du cortisol au cours d’une perfusion d’hormones stéroïdiennes marquées au deutérium, enfin étude de la clairance plasmatique de 100 mg d’hydrocortisone et de la concentration des métabolites du cortisol urinaire, ainsi que du niveau d’ARN messager et de protéine au niveau du tissu adipeux et du foie (afin d’évaluer les enzymes importantes dans le métabolisme du cortisol). Les concentrations de cortisol circulantes, aussi bien totales que libres, étaient constamment supérieures chez les patients en comparaison des témoins alors que les taux d’ACTH étaient inférieurs (p < 0.01). La production de cortisol était supérieure de 83 % chez les patients en comparaison des témoins. Mais il existait aussi une réduction de plus de 50 % de la clairance du cortisol au cours des perfusions de traceurs et après l’administration de 100 mg d’hydrocortisone chez les patients. Tous ces éléments suggèrent que les concentrations de cortisol plasmatique sont multipliées par environ 3.5 chez les patients en état critique en comparaison des témoins. Une altération de la clairance du cortisol est aussi corrélée à une réponse du cortisol inférieure à la stimulation par l’ACTH. Un métabolisme réduit du cortisol est associé à une réduction de l’inactivation du cortisol au niveau du foie et du rein, ce qui est suggéré par les ratios de stéroïdes urinaires, par les cinétiques du traceur et par l’évaluation des biopsies hépatiques. Ainsi, au cours des états critiques, les concentrations élevées de cortisol sont probablement aussi expliquées par une diminution du métabolisme du cortisol liée à la réduction de l’expression et de l’activité des enzymes capables de métaboliser le cortisol. Ceci contribue à l’hypercortisolémie et à l’inhibition de l’ACTH.

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