Teigne : une nouvelle prise en charge chez l’enfant

10/06/2022 Par M. R.-D.
Dermatologie
Avec l’arrêt de commercialisation de la griséofulvine - seul traitement indiqué contre la teigne chez l’enfant - en février 2021, les sociétés savantes ont dû établir un nouvel algorithme de prise en charge* au pied levé. Cette dernière repose désormais sur l’utilisation de terbinafine et d’itraconazole.  

 

La teigne est une affection fréquente due à des champignons appelés dermatophytes qui touche essentiellement les enfants. "Nous n’avons pas de données françaises fiables sur la prévalence de cette affection, mais nous sommes sollicités plusieurs fois par mois en milieu hospitalier et beaucoup de cas sont pris en charge en ville par les médecins généralistes et les pédiatres", explique le Pr Sébastien Barbarot, dermatologue au CHU de Nantes et Président de la Société française de dermatologie pédiatrique.  

En France, les dermatophytes les plus fréquentes appartiennent au genre Trichophyton et Microsporum. En cas de suspicion clinique de teigne, il est recommandé de pratiquer un prélèvement mycologique dès que possible. 

 

Un nouvel algorithme validé par l’ANSM en juillet 2021 

En l’absence de recommandations françaises sur le sujet, un groupe de travail intégrant différentes sociétés savantes et coordonné par le Centre de preuves en dermatologie (CPD) a dû élaborer les nouvelles modalités de prise en charge de la teigne. "Nous avons compilé les recommandations européennes et internationales les plus récentes, des données d’études observationnelles et des essais thérapeutiques disponibles. Tout cela s’est fait en quelques mois car il fallait rapidement proposer un traitement à nos patients", détaille le Pr Barbarot.  

Le prélèvement mycologique peut parfois donner un résultat immédiat mais dans la négative, un traitement probabiliste reposant sur la terbinafine sera débuté. Les doses de terbinafine et d'itraconazole doivent être calculées en fonction du poids de l'enfant.  

En cas de teigne microsporique, le traitement repose sur l'itraconazole en gel ou solution orale, 1 fois par jour en dehors des repas (50 mg/j si l'enfant pèse entre 10 à 20 kg ou 100 mg/j si l'enfant pèse plus de 20 kg) pendant six semaines. En cas de teigne trichophytique, la terbinafine sera prescrite pendant quatre semaines à raison de 62,5 mg/j chez les enfants de 10 à 20 kg, de 125 mg/j pour ceux de 21 à 40 kg et de 250 mg/j pour les enfants de plus de 40 kg. Un contrôle clinique est recommandé après 4 semaines de traitement afin d'évaluer son intérêt (arrêt, prolongation ou remplacement de la terbinafine par l'itraconazole selon le résultat du prélèvement).  

"Même s’il est vrai que l’algorithme est assez simple, les praticiens qui le souhaitent peuvent...

aussi utiliser "ChronoRECO", notre outil d’aide à la décision thérapeutique en dermatologie. Il permet d’avancer étape par étape en fonction des caractéristiques du patient", précise le Pr Barbarot.  

 

Une prise en charge hospitalière pour les enfants de moins de 10 kg 

"Le premier critère d’orientation, c’est le poids", explique le Pr Barbarot. "Si l’enfant pèse moins de 10 kilos, la prise en charge se fera en milieu hospitalier. Il n’y a pas de données d’efficacité et de tolérance de l’itraconazole et de la terbinafine pour ces enfants donc nous avons considéré qu’il était préférable de les voir à l’hôpital. Cela permet une concertation entre dermatologues et pédiatres pour décider du traitement, mais aussi de les suivre et de les comptabiliser à l’avenir. Un projet de cohorte sur ces patients de moins de 10 kilos est en cours de réflexion. Nous souhaitons pouvoir identifier la balance bénéfice/risque de ce traitement à terme", indique le dermatologue.  

 

Certains cas de résistance déjà signalés 

Après quelques mois d’utilisation, les médecins s'interrogent sur l'efficacité de l'itraconazole sur cette infection à dermatophytes. "Il est encore un peu tôt pour affirmer quoi que ce soit, mais nous constatons des cas d’échec thérapeutique qui peuvent être dus à une mauvaise biodisponibilité chez l’enfant de moins de 10 kilos, ou à des vraies résistances. L’étude que nous souhaitons mettre en place nous permettra de récupérer toutes ces données", explique le Pr Barbarot.  

*L’algorithme est disponible sur le site du CPD : https://centredepreuves.sfdermato.org/#hot-topics.

 

Importance des mesures complémentaires

Le médecin traitant doit expliquer les mesures complémentaires à la famille :
  • Couper les cheveux courts
  • ​Ne pas porter de tresses africaines
  • Laver à 60°le linge mis en contact avec la tête (ou le mettre avec une poudre antifongique dans un sac en plastique fermé)
  • Désinfecter le matériel de coiffure avec des lingettes désinfectantes
  • Faire examiner les autres membres de la famille par un médecin
  • Faire examiner un éventuel animal de compagnie par un vétérinaire. 
Vignette
Vignette
0 commentaire
5 débatteurs en ligne5 en ligne





La sélection de la rédaction

Rémunération
"La visite à domicile ne survivra pas à l’été" : le cri d'alarme de SOS Médecins
02/04/2024
13
Assistant médical
"Il faut arriver à transposer l'assistant médical dans une notion d'équipe": aux Rencontres d'AVECsanté...
03/04/2024
4
Neurologie
Syndrome de Guillain-Barré : une urgence diagnostique et thérapeutique
04/04/2024
0
Santé publique
Ce qui se cache derrière la hausse inquiétante de l'infertilité
13/03/2024
17
"Ils ont une peur primaire de la psychiatrie" : pourquoi les étudiants en médecine délaissent cette spécialité
27/02/2024
28
Podcast
"C'est assez intense" : reportage dans un centre de formation des assistants médicaux
01/03/2024
9