Arrivée du dupilumab dans la dermatite atopique sévère : entre espoirs et vigilance

21/01/2019 Par Corinne Tutin
Dermatologie

Journées dermatologiques de Paris - Cette biothérapie ciblant l’IL4 et l’IL13 devrait être prochainement commercialisée dans les dermatites atopiques de l’adulte ne répondant pas à la ciclosporine. "Alors que la dernière actualité thérapeutique était représentée par la mise à disposition du tacrolimus en 2001, une première biothérapie, le dupilumab (Dupixent), dispose depuis septembre 2017 d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne. Ce médicament devrait, au vu de l’avis de la Commission de transparence de la Haute autorité de santé du 11 juillet 2018, être remboursé prochainement en France, dans la dermatite atopique (DA) modérée à sévère de l’adulte en cas d’échec, de contre-indication ou d’intolérance à la ciclosporine", s’est félicité le Dr Delphine Staumont-Sallé (CHRU de Lille).  "Cet anticorps monoclonal recombinant humain est dirigé contre une sous-unité alpha commune au récepteur de l’interleukine 4 et 13, deux cytokines de type Th2 très impliquées dans l’apparition des lésions inflammatoires d’eczéma, de prurit et les anomalies de la barrière cutanée associées à la dermatite atopique". En avril 2018, environ 530 patients étaient traités en France (grâce à une autorisation temporaire d’utilisation) par cette biothérapie, qui est prescrite à la dose de charge de 2 injections de 300 mg, puis d’1 injection de 300 mg par voie sous-cutanée toutes les 2 semaines. De premiers résultats d’une étude "en vraie vie", Dupi-Great, menée sur 241 patients adultes avec une DA modérée à sévère, ont confirmé que ce traitement permet à plus des deux tiers d’entre eux d’obtenir une amélioration de 50 % du score EASI* et à près d’un sur deux une amélioration de 75 %. "Des chiffres qui rejoignent ceux obtenus dans les essais cliniques pivot Solo 1 et Solo 2", a souligné le Dr Staumont-Sallé. Le problème est qu’un taux de conjonctivites de 38,2 %, dont la moitié ont été confirmées par des ophtalmologistes, a été retrouvé dans l’étude Dupi-Great. Or, ce pourcentage ne dépassait pas 8 % dans une méta-analyse de 8 études publiée en 2018, dont Solo 1 et 2 (1). "On ne sait pas bien s’il s’agit de conjonctivites atopiques ou de manifestations cliniques paradoxales, comme on peut en observer avec les anti-TNF", a admis le Dr Staumont-Sallé. Dix patients sur 241 (4,1 %) ont en tout cas dû arrêter le dupilumab du fait de cet effet indésirable, "altérant la qualité de vie". "Il faudra aussi évaluer la survenue d’éosinophilies sous dupilumab, a complété le Dr Staumont-Sallé. En effet, dans cette série, des patients, qui ne présentaient pas d’éosinophilie au départ, ont vu leur taux s’accroître jusque 5000 voire 7000 éosinophiles/mm3, sans gravité mais avec une certaine persistance, alors que ce problème n’avait concerné que peu de malades dans les essais pivots et, de plus, de manière transitoire".    Des extensions des essais cliniques, d’autres études en vraie vie sont prévues, qui vont permettre de mieux apprécier le rapport bénéfices/risques. "Beaucoup d’enfants et adolescents atteints de dermatite atopique pourraient, par ailleurs, avoir besoin du dupilumab", a insisté le Dr Staumont-Sallé. Les premiers essais réalisés chez eux sont encourageants en termes d’efficacité et de tolérance.  

D’autres anticorps en cours d’évaluation

  Des résultats prometteurs ont également été rapportés dans des dermatites atopiques de l’adulte avec un anticorps monoclonal ciblant l’IL13, le tralokinumab. Un autre anticorps, le némolizumab, dirigé contre le récepteur de l’IL31, une interleukine jouant un rôle important dans le prurit de la dermatite atopique, a également mis en évidence dans une étude de phase 2, sa capacité de réduire jusque de 63 % l’intensité du prurit à 12 semaines, avec en parallèle une amélioration significative du score EASI***. Enfin, d’autres essais se sont avérés encourageants avec un anticorps anti-IL22, le fézakinumab, et plusieurs inhibiteurs de JAK sont en développement dans la DA, comme le tofacitinib, le baricitinib, l’upadacitinib. "Les enjeux seront, a rappelé le Dr Staumont-Sallé, de préciser la place de ces médicaments par rapports aux autres traitements systémiques, comme la ciclosporine, qui dispose d’une autorisation de mise sur le marché dans la DA, ou le méthotrexate qui n’en a pas mais est efficace. Il s’agit aussi d’essayer de trouver des biomarqueurs pour prévoir les patients répondeurs, d’évaluer le profil de sécurité de ces nouvelles thérapeutiques, et de déterminer leur place chez l’enfant et l’adolescent". * Eczema Area and Severity Index ** Ou Z, et al. Int Immunopharmacol. 2018 ; 54 : 303-310 *** Ruzicka T, et al. N Engl J Med. 2017 ; 376 : 826-835.  

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