Insuffisance cardiaque : une maladie en manque de reconnaissance

06/09/2017 Par Marielle Ammouche
Cardio-vasculaire HTA

Les cardiologues souhaitent attirer l’attention sur l’insuffisance cardiaque, une maladie qui tue 7 fois plus que l’infarctus du myocarde et 14 fois plus que les accidents de la route, et qui pourtant est très peu connue du grand public et largement sous-diagnostiquée.

Plusieurs raisons ont fait que le Groupe Insuffisance cardiaque et cardiomyopathie (Gicc) de la Société française de cardiologie (SFC) a décidé de d’interpeller les médias et les pouvoirs publics sur l’insuffisance cardiaque. Et tout d’abord son évolution épidémiologique marquée par une augmentation constante de sa prévalence du fait du vieillissement de la population et de l’amélioration de la prise en charge des pathologies cardiaques qui tuent moins, mais dont certaines vont évoluer vers l’insuffisance cardiaque. Actuellement, l’insuffisance cardiaque est responsable de 70 000 décès par an et 200 000 hospitalisations en France Malgré cela, les patients ne connaissent pas cette pathologie. Même les médecins ont tendance à en diminuer l’impact en ne prononçant pas souvent les termes exacts d’ " insuffisance cardiaque " mais en parlant souvent plutôt de " cœur fatigué ". Du coup, les patients ont le sentiment que leur pathologie n’est pas reconnue comme une " vraie maladie ". Et ce phénomène est amplifié par l’entourage, car les symptômes de l’insuffisance cardiaque ne sont souvent pas visibles au premier abord, même si la pathologie est particulièrement handicapante pour les patients du fait de la dyspnée qui apparait au moindre effort, et des œdèmes qui surviennent pour des écarts de régimes parfois minimes.   Un impact majeur sur la qualité de vie La prévalence de l’insuffisance cardiaque est également sous -estimés par les pouvoirs publics. Selon la " Note méthodologique publiée en avril 2015 par la Haute Autorité de santé ", la prévalence de l’insuffisance cardiaque est de 2,3 % dans la population adulte et à 1,8 % dans l’ensemble de la population française (soit environ 1 130 000 personnes). Mais une étude réalisée par le Gicc, auprès de 4 926 français représentatifs de la population française âgées de 18 à 80 ans interrogés entre mars et avril 2017 établit la prévalence de l’insuffisance cardiaque à 3,6%, soit le double des estimations officielles. Cette sous-estimation probable des chiffres d’incidence de l’insuffisance cardiaque est le reflet des pathologies multiples des patients (seule la première ALD est comptabilisée).  " Le nombre exact de français atteints d’insuffisance cardiaque est sans aucun doute sous-estimé par les Autorités de santé et pourrait atteindre les 2 millions " ajoute la SFC. L’étude du Gicc montre, par ailleurs, que plus deux tiers (64,2%) des personnes ayant les 4 signes d’insuffisance cardiaque n’ont pas consulté de cardiologue dans les 12 mois précédents, " preuve que ces symptômes ne sont pas reconnus par les patients comme signes de maladie cardiaque " souligne le Gicc. La pathologie impacte i de façon majeure la qualité de vie. Plus de la moitié des adultes atteints d’insuffisance cardiaque, se déclarent en mauvaise ou très mauvaise santé (contre 9 % pour les personnes sans insuffisance cardiaque). La moitié d’entre eux s’estime fortement limitée dans leurs activités habituelles quotidiennes. Les actifs de la tranche 25-59 ans représentant 39 % des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque, les conséquences sur la vie professionnelle des personnes concernées (nombreux arrêts de travail, mise en incapacité de travail…) est également important. Et ce, sans compter l’impact considérable sur les dépenses de santé et l’économie française.   Sensibiliser au dépistage La reconnaissance de l’IC est c’autant plus nécessaire que sa prise en charge s’est améliorée ces dernières années avec le développement de nouveaux traitements (sacubitril/valsartan, traitements de la carence martiale) qui augmentent la survie des patients, et l’essor de biomarqueurs (BNP et NT-proBNP), principalement utilisés pour le suivi des patients et qui permettent d’adapter les traitements. Un diagnostic précoce de l’insuffisance cardiaque, assorti d’un suivi avec éducation thérapeutique, est donc un gage de meilleure prise en charge permettant de limiter les décompensations et donc de maintien de la qualité de vie. Pour tenter de remédier à cette situation, il s’agit pour le Gicc de mieux sensibiliser au dépistage en insistant sur les 4 symptômes de l’insuffisance cardiaque regroupé sous l’acronyme " Epof " pour Essoufflement, prise de Poids, Oedèmes, fatigue. Pour le Pr Thibaud Damy (Hôpital Henri Mondor à Créteil, 94) et Président du Gicc : " Le manque de notoriété des symptômes de l’insuffisance cardiaque au sein du grand public entraine un retard incontestable au diagnostic et dans la prise en charge des malades. Il faudrait des moyens supplémentaires pour dépister davantage les malades, développer plus de structures multidisciplinaires spécialisées et faire prendre conscience de l’importance de l’éducation thérapeutique dès le début de la maladie. La prévention et l’information sont capitales pour agir précocement aussi bien dans le grand public pour diagnostiquer la maladie que chez les patients pour prévenir les décompensations cardiaques ". Plusieurs actions vont être menées pour améliorer la visibilité de l’insuffisance cardiaque : un site internet spécifiquement dédié à l’insuffisance cardiaque, à destination des professionnels de santé comme des patients, qui ouvrira le 15 septembre prochain(giccardio.fr) ; une Journée européenne Insuffisance cardiaque (HF Day) ;l’organisation des " Journées Françaises de l’Insuffisance Cardiaque " (Jfic) qui se tiendront cette année, les 13 et 14 septembre prochains à Montpellier avec pour thème principal : " Parcours de vie et de soin " du patient insuffisant cardiaque ". Le Pr Thibaud Damy conclut : " Alerter nos concitoyens sur les symptômes à surveiller, c’est les prévenir pour mieux les guérir. En les prenant en charge rapidement, nous pouvons anticiper les complications et améliorer le pronostic vital. A travers l’action du GICC, nous voulons également que les médecins prononcent enfin le nom de " l’insuffisance cardiaque "".

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