Congrès CFA 2017 - Allergies alimentaires : plus fréquentes et plus sévères

15/05/2017 Par Marielle Ammouche
Allergologie

Le Congrès francophone d’allergologie (CFA) vient de se dérouler à Paris (25-28 avril 2017). Il est organisé conjointement par la société française d’allergologie (SFA) et l’association nationale de formation continue en allergologie (Anaforcal) avec l’ambition de toucher tous les praticiens intéressés par ce domaine : médecins libéraux et hospitalo-universitaires, omnipraticiens, compétents exclusifs, spécialistes d’organe, ou pédiatres. Le fil rouge de cette édition 2017 a été les allergies alimentaires, qui sont en pleine explosion et dont le traitement pourrait évoluer avec l’essor de l’immunothérapie orale. Le congrès a aussi été marqué par un anniversaire : les 50 ans de la découverte des IgE, qui a constitué le socle de la spécialité.

  Bien que l’allergie alimentaire ne représente que 7 à 8 % de l’ensemble des allergies (8% des enfants et 3% des adultes), elle constitue néanmoins l’un des domaines les plus sévères en raison du risque d’anaphylaxie. Une autre source d’inquiétudes des experts est l’augmentation de sa prévalence. On assiste actuellement à la deuxième vague des pathologies allergiques qui concerne les allergies alimentaires, après celle des allergies respiratoires qui semble atteindre un plateau actuellement. Plusieurs éléments favorisent cette expansion, en lien avec les modifications de notre environnement et de notre alimentation. "Les causes de l’augmentation des allergies qu’elles soient respiratoires ou alimentaires sont les mêmes, détaille le Pr Jocelyne Just (hôpital Trousseau, Paris), présidente de la Société française d’allergologie (SFA). Il y a une perte de biodiversité. Notre microbiome, constitué par l’ensemble des bactéries de notre organisme évolue en fonction de notre environnement : si on est moins en contact avec les végétaux et les animaux, notre microbiome peut se modifier. L’éducation immunitaire, au lieu de se faire dans le bon sens, celui de la protection, se fait dans un sens pathologique, que ce soit à travers les allergies ou les maladies auto-immunes comme la maladie de Crohn ou le diabète". En particulier, le retard à la diversification alimentaire est "une aberration souligne le la spécialiste. Au contraire, il faut que l’enfant soit exposé par son système immunitaire aux aliments très tôt dans la vie, entre 4 et 6 mois, pour des allergies" insiste-t-elle. L’industrialisation de l’alimentation qui a conduit à une multiplication des allergènes masqués ou non détectés par le consommateur, et à la présence d’additifs, participe aussi au développement des allergies alimentaires. Ainsi que les modifications des techniques agricoles et l’usage des pesticides. On voit apparaitre de nouvelles maladies, notamment avec des réactions croisées entre pollens et aliments. Le Pr Just cite par exemple le cas des allergies aux pollens de bouleau qui ont émergées suite à la plantation massive de ces arbres après la tempête de 1999 en région parisienne, alors que ce type d’allergie était peu fréquent auparavant dans cette région. Avec le réchauffement climatique, la pollinisation au bouleau, qui durait normalement de 3 semaines à 1 mois, à perdurer 2 à 3 mois, entrainant une longue période d’exposition à ces allergènes. Or le bouleau a la particularité de présenter des similitudes antigéniques avec certains allergènes alimentaires, fruit et légumes, ce qui a favorisé le développement de nouvelles allergies alimentaires, et la présence chez de nombreux patients d’allergies à  la fois respiratoire et alimentaire… Autre exemple, les patients allergiques aux acariens sont aussi souvent sensibilisés aux crevettes. On parle de poly-allergies, qui associe allergies respiratoires et alimentaires, avec un risque de sévérité accru des manifestations respiratoires graves (état de mal asthmatique) et des manifestations alimentaires sévères (anaphylaxie). Pratiquement tous les aliments peuvent être concernés. L’allergie dépend des habitudes socio culturelles des patients qui diffèrent chez les enfants et les adultes. Les aliments les plus souvent incriminés sont l'arachide (25%), les fruits à coques (23% dont la moitié due à la noix de cajou), les laits de vache et de chèvre (12%), l'œuf de poule (10%). Chez l’adulte, les étiologies sont plus dispersées avec 7 familles d’aliments constituant 50% d’entre elles.   Augmentation des cas d’anaphylaxie La prévalence de l’anaphylaxie sévère a beaucoup augmenté au cours des vingt dernières années. Son incidence en Europe peut être estimée actuellement entre 1,5 et 7,9 pour 100 000 personnes par an. 1 européen sur 300 serait confronté à une anaphylaxie au cours de sa vie. Entre 1999 et 2009 le nombre d'hospitalisations aux Etats Unis pour anaphylaxie a augmenté de 2,2% par an. Le nombre d’hospitalisations en Grande Bretagne, pour anaphylaxie, a été multiplié par 7 entre 1992 et 2012, passant de 1 /100 000 à 7 /100 000. La mortalité reste stable à 0,47 par million d’habitants et par an. Aux USA, les mêmes constatations ont été faites avec des taux estimés entre 0,63 à 0,76 décès/million d’habitants soit 186 à 225 morts par an dus à une anaphylaxie. En France, le Réseau d’AllergoVigilance (RAV) a enregistré 15 décès par allergie alimentaire entre 2002 et 2016 sur 1 789 déclarations d’anaphylaxies sévères soit 0,84% des cas. Les aliments constituent globalement le deuxième facteur étiologique de ces épisodes brutaux (3-16%) après les hyménoptères (19-55%). Mais chez les enfants, l'allergie alimentaire est la première cause d’anaphylaxie dans les services d’urgences pédiatriques. « C’est un problème de santé publique avec un retentissement économique et social important » souligne le Dr Françoise le Pabic (Lorient, 56).     Sous-utilisation de l’adrénaline Concernant la prise en charge, "même si les études sur l’induction de tolérance ou l’immunothérapie spécifique (désensibilisation) vis à vis des allergènes alimentaires sont prometteuses, il n’existe actuellement aucun traitement curatif validé de l’allergie alimentaire, mise à part l’éviction de l’aliment responsable", résume le Dr le Pabic. L’éviction de l’aliment à l’école repose sur le Projet d’accueil individualisé (PAI). Sa réussite nécessite une concertation et une collaboration étroite entre les différents intervenants : enfant et sa famille, médecins de l’Education Nationale, allergologue, pédiatre, généraliste, infirmier(ère), personnels de l’Education Nationale et de la restauration collective, l’objectif majeur de ce PAI étant de réussir l’intégration de l’enfant allergique alimentaire en milieu scolaire. L’éducation thérapeutique est fondamentale. "L'éviction alimentaire, seul rempart contre l’accident allergique, nécessite une lecture des étiquettes qui doit être enseignée dès le diagnostic d’allergie alimentaire confirmé, au cabinet de l’allergologue et/ou en séance d’ETP". En outre, la prescription d’une trousse d’urgence comportant un stylo d’adrénaline auto-injectable est fondamentale. Son maniement doit être appris à l’enfant et/ou à sa famille. Mais son importance est souvent sous-estimée : la trousse d’urgence est souvent oubliée dans la vie quotidienne et lors des déplacements. Pire encore, plusieurs études ont montré que les connaissances des médecins (pédiatres, urgentistes, généralistes, Education Nationale…) en matière d’anaphylaxie sont insuffisantes avec "un sous diagnostic et une mésestimation de la gravité, une sous-utilisation de l’adrénaline par méconnaissance ou crainte, un délai d’observation médicale après une anaphylaxie trop court, une méconnaissance du maniement des stylos auto-injectables. Force est de constater aussi l’insuffisance de formation du personnel de l’Education Nationale et de restauration scolaire dans ce domaine", affirme le Dr Le Pabic. Or "il ne pas oublier que les patients qui décèdent sont ceux qui n’ont pas eu de prescription initiale d’adrénaline, qui n’ont pas reçu l’adrénaline dès les premiers signes d’anaphylaxie", insiste-t-elle.

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