Maladie d’Alzheimer : différencier maladie à proprement parler et risque

16/05/2022 Par Sylvie Coito
Neurologie
La découverte de biomarqueurs a profondément changé le paradigme du concept et du diagnostic de la maladie d'Alzheimer. Aujourd'hui, l'utilisation de ces biomarqueurs est accessible. Mais leur présence n’est pas synonyme de maladie. Le point sur ce sujet lors des Journées de Neurologies de Langue Française (JNLF) qui se sont déroulées du 12 au 15 avril à Strasbourg.

  Depuis la 1ière description clinico-pathologique par Alzheimer en 1906, peu de choses ont évolué jusqu’au début des années 2000 concernant cette maladie neurodégénérative. Durant un sièclele diagnostic a été probabiliste devant un ensemble de symptômes cognitifs et comportementaux. Les caractéristiques typiques, c'est-à-dire la description de plaques amyloïdes et d'une dégénérescence neuro-fibrillaire (pathologie Tau), seul diagnostic de certitude étaient vérifiées en post-mortem, les biopsies étant rares.   « Les développements importants dans le domaine des biomarqueurs ont modifié la conception que nous avions de cette maladie » affirme le Pr Bruno Dubois (Hôpital Pitié-Salpêtrière et Sorbonne Université, Paris) qui, en 2007, a introduit les biomarqueurs dans la définition de la maladie (1).  Et depuis 15 ans, ces biomarqueurs ont modifié la perception et le diagnostic de la maladie. « Attention, la présence de biomarqueurs ne signent pas la maladie, prévient le neurologue. Des personnes sans troubles ni cognitifs ni comportementaux ont également des biomarqueurs positifs ! ». Les deux catégories de biomarqueurs utilisés en imagerie et biologie sont maintenant bien connues. Les marqueurs d’imagerie morphologique et fonctionnelle à rechercher sont une atrophie hippocampique sur l'IRM, un hypométabolisme temporo-pariétal, des dépôts amyloïdes dans le néocortex sur les tomographies par émission de positon (TEP). La localisation topographique des anomalies oriente également le diagnostic. Les marqueurs biologiques consistent à doser dans le LCR les peptides beta-amyloïdes, témoins des plaques séniles, ainsi que la protéine Tau totale et sa composante hyperphosphorylée, reflet de la dégénérescence neuro-fibrillaire. Devant un faisceau de présomption dominé par une amnésie de type hypocampique, la présence des biomarqueurs rattache cette sémiologie à la réalité de la clinique. En 2016, une nouvelle classification selon la présence ou non de biomarqueurs a été publiée, proposant trois catégories A/T/N (2). « Les auteurs américains, Jack et al sont allés plus loin, constate le Pr Dubois. En effet en 2018, ils ont donné à la maladie d'Alzheimer une définition purement biologique » (3). Si la présence de certains marqueurs associés aux symptômes ne pose pas de problème étant donné que cela correspond à la définition clinico-biologique de la maladie, en revanche d’après ces auteurs,  la présence des biomarqueurs en l’absence de symptômes permettrait tout de même de diagnostiquer la maladie. Cependant, le Pr Dubois incite à la plus grande prudence quant à cette interprétation. En effet selon lui, il ne faut pas extrapoler le diagnostic de maladie d'Alzheimer sur seule base de la présence de biomarqueurs. Il rappelle ainsi que du point de vue neuropathologigue, on retrouve des lésions de type Alzheimer dans le cerveau de sujets cognitivement normaux décédés d'une autre cause. De plus, il a été montré qu’à l’âge de 47 ans, 50% des personnes ont des dégénérescences neurofibrillaires corticales traduites par la présence de protéine Tau. A 74 ans, 50% de la population a les deux lésions avec la présence du marqueurs Tau + béta-amyloide sans pour autant avoir des symptômes cognitifs. On peut juste affirmer la présence de lésions mais pas extrapoler au diagnostic.  La neuro-imagerie confirme ces données : à un instant T, on observe le même type d’imagerie entre des sujets sains et atteints de maladie d’Alzheimer. Et une étude qui a suivi 320 patients cognitivement normaux d’âge moyen de 77 ans pendant 7 ans, montre que 88 sujets avaient des lésions amyloïdes, et seulement 16 ont évolué vers une maladie d‘Alzheimer soit 18% des cas (4). Pour le Pr Dubois il faut donc distinguer la maladie d'Alzheimer définie par la présence de symptômes et par la positivité des biomarqueurs, et un état de « risque » qui concerne des sujets cognitivement normaux avec des biomarqueurs positifs. « Les biomarqueurs sont présents 10 à 15 ans avant l’apparition des symptômes, et aux 3 stades de l’évolution de la maladie : une étape préclinique asymptomatique, suivie un stade prodromal prédementiel avant l’installation de la démence ». Le risque varie selon le profil des biomarqueurs, des facteurs de risque personnels comme le niveau d’éducation, l’âge, sans compter sur les capacités du cerveau à maintenir un mécanisme de compensation. Les recherches visent à développer un algorithme de prédiction chez les sujets qui vont venir consulter parce qu’ils commencent à observer des troubles de la mémoire, ou qu’un parent est atteint. Le Pr Dubois rappelle que « dans la pratique clinique le diagnostic doit rester clinico-biologique. Chez les sujets asymptomatiques, le niveau de risque est la conjonction de plusieurs facteurs ». Il recommande ainsi de ne pas rechercher les biomarqueurs chez les sujets asymptomatiques car, en cas de positivité, on ne saurait pas quoi leur proposer (5). Et dans l’hypothèse où cette investigation serait réalisée, il faut bien expliquer qu’une positivité ne peut que déterminer le statut de sujet à risque.    

Limiter la durée de remplacement peut-il favoriser l'installation des médecins ?

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